Interview de Joe Vogel, auteur du livre "Man In The Music : The Creative Life and Work of Michael Jackson"

Interview de Joe Vogel, auteur du livre "Man In The Music : The Creative Life and Work of Michael Jackson"

En novembre prochain paraîtra un livre consacré à l'œuvre de Michael Jackson, écrit par Joe Vogel sous le titre "Man In The Music : The Creative Life and Work of Michael Jackson". L'auteur a été interviewé par le fan-club "MJFC". Voici une traduction de cet entretien.

MJFC : Depuis combien de temps êtes-vous écrivain professionnel ?
Joe Vogel : Je suis écrivain professionnel depuis cinq ou six ans maintenant.

J'ai vu qu'on vous décrivait comme un critique musical et un critique de la culture pop. Comment vous décririez-vous ?
Je me décrirais comme un interprète de l'art sous toutes ses formes. Je rédige des critiques musicales et des articles pour le Huffington Post et maintenant pour PopMatters. Sur le plan académique, ma formation initiale porte sur la critique littéraire mais il y a tellement de travail interdisciplinaire à l'heure actuelle que j'ai enseigné et écrit au sujet de la musique, du cinéma, de l'histoire, de la psychologie, de la philosophie, de la politique, etc.

Avec tous les livres qui ont été écrits sur Michael, qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire celui-là ?
Ça n'avait pas été écrit. J'ai toujours été très fasciné par Michael mais il y avait très peu de matière disponible à lire, en particulier en ce qui concerne son processus créatif et le sens de son travail.

Qu'espérez-vous accomplir avec ce livre ?
J'ai l'impression que Michael n'a pas vraiment reçu le respect qu'il méritait auprès des critiques et des journalistes. Quand on parcourt les évaluations de son travail, il y a beaucoup de condescendance et de partis pris. Je veux engager une réévaluation critique majeure de son travail, en particulier son œuvre post-années 80, qui est incroyable et mérite bien plus d'attention. De plus, je veux que l'acheteur de livres moyen soit en mesure de se rendre dans sa librairie de quartier et d'avoir une alternative à tous les livres racoleurs et sensationnalistes.

Je suis d'accord, on dirait que tout le monde est plus ou moins resté bloqué sur Thriller et Bad mais certaines des meilleures oeuvres que Michael a faites sont venues plus tard avec Dangerous, HIStory et Invincible. Même les cinq chansons originales sur Blood On The Dancefloor sont incroyables. De votre point de vue, lequel de ces albums ultérieurs mérite le plus qu'on se penche dessus ?
Ils sont tous très bons... Michael n'a pas fait d'albums médiocres. Mais pour moi, Dangerous et HIStory sont deux des albums les plus forts de la décennie. J'aimerais que davantage d'auditeurs connaissent ce qu'ils ont à offrir. J'ai lu un article dans lequel le critique musical Robert Hilburn parlait à Michael en 1995 et évoquait la manière dont son travail avait décliné aux dires de bon nombre de critiques et de personnes haut placées dans le milieu. Ça a dû être très frustrant pour Michael parce qu'il était là, vraiment à son point culminant sur le plan créatif, faisant certaines de ses œuvres les plus impressionnantes et comportant le plus de défis... mais les critiques ne comprenaient pas. Ou n'arrivaient pas à aller au-delà de ses "excentricités". Ou espéraient un remake de Thriller, commercialement et sur le plan stylistique. Ça faisait profondément souffrir Michael... mais il croyait qu'au final, la musique tiendrait bon... et ce sera le cas. Des chansons comme "Who Is It", "Stranger In Moscow", "They Don't Care About Us" et "Give In To Me" font partie des meilleures de tout son catalogue.

Ce n'est pas souvent que l'on voit une étude positive sur l'art de Michael donc, comme vous l'imaginez, les fans sont très enthousiasmés par ce livre. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'explorer le processus créatif de Michael ?
C'est excitant de vraiment s'immerger dans le grand art et d'explorer ce qui se passe, ce que l'on véhicule... C'est excitant d'entrer dans les coulisses et de voir comment opère un grand artiste. C'est ce qui rendait "This Is It" si fascinant. Je crois que parfois, regarder derrière le rideau peut ruiner la magie mais avec Michael, ça ne m'a pas donné ce sentiment. Plus j'en apprenais sur sa façon de travailler, plus j'étais impressionné.

Avez-vous l'impression que c'est un livre pour les fans ou est-ce que le grand public l'appréciera également ?
J'espère que ce sera un cadeau pour les fans et une manière d'ouvrir les yeux à un public plus large. Ça me rend très heureux de voir à quel point les fans s'enthousiasment pour le livre. Ils méritent de voir Michael représenté de cette manière. Mais j'aimerais que les gens qui ne connaissent pas grand-chose sur lui ou qui le connaissent seulement comme un phénomène ou à travers les tabloïds voient ce qui a fait de lui un artiste si brillant.

J'ai remarqué que dans les cours que vous donniez ce semestre à l'université de Rochester, vous utilisiez souvent Michael comme un support éducatif. Selon vous, que devons-nous tous apprendre de lui ?
Il y a beaucoup à explorer et à apprendre. C'est l'une des raisons pour lesquelles Michael tiendra le coup au fil du temps et c'est ce qui le place à un niveau complètement différent des autres prétendants au trône. La plupart des musiciens pop n'ont qu'une seule dimension. L'œuvre de Michael est pluri-dimensionnelle. Elle est éclectique, nuancée, innovante et évocatrice. Plus on se penche dessus, plus on en retire des choses.

Vous avez commencé à écrire "Man In The Music" en 2005. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a poussé à l'écrire ?
C'était pendant son procès. Je me souviens que je regardais la couverture médiatique et que j'étais complètement dégoûté. Même s'il a été acquitté, il a été massacré par les médias. J'avais fait suffisamment de recherches sur l'affaire pour savoir que les accusations étaient fausses. Je savais qu'il y aurait probablement quantité de livres qui évoqueraient le procès ; ce dont je voulais parler, c'était de son travail créatif. C'était devenu une telle caricature pour tant de gens que je voulais ramener l'attention sur sa musique et ses qualités humaines. Donc cette année là, j'ai commencé à faire mes recherches et à écrire.

En faisant vos recherches pour le livre, avez-vous rencontré des surprises concernant le processus créatif de Michael ou peut-être quelque chose que vous ne preniez pas pour acquis avant ?
J'ai été surpris de découvrir à quel point il était patient et posé. Imaginez des chansons comme "In The Back", "Blue Gangsta" et "We've Had Enough". Ce sont des chansons sur lesquelles il a vraiment travaillé dur. Mais c'était un tel perfectionniste que si une chanson n'était pas prête ou ne convenait pas à un album, il ne la mettait pas dessus. Et dans bon nombre de cas, cette patience a payé. "Earth Song", par exemple, n'a pas été retenue sur Dangerous. Elle était déjà incroyable mais il l'a encore améliorée pour HIStory.

Pour ce livre, vous avez interviewé beaucoup de gens qui ont travaillé en studio avec Michael. Pouvez-vous nous donner un petit aperçu et nous révéler quelques-unes des personnes avec qui vous avez discuté en faisant vos recherches pour le livre ?
J'ai parlé avec des gens comme Bruce Swedien, Matt Forger, Bill Bottrell et Brad Buxer, entre autres.

Dans une interview récente avec The Michael Jackson Tribute Portrait, vous avez mentionné que vous auriez pu facilement écrire des livres entiers sur chacun des albums de Michael. Y a-t-il des chances que l'on voie une telle série de livres à l'avenir ?
J'adorerais mais ça nécessiterait une quantité énorme de temps et de ressources. Ce que j'ai fait pour "Man In The Music" est juste le sommet de l'iceberg, par rapport à ce qui pourrait être fait. J'ai fini par couper des centaines de pages. S'il n'y avait pas d'échéance, j'aurais pu encore y travailler pendant des années, à tout parfaire, à relire, à faire des ajouts. Après sa mort en particulier, j'ai eu l'impression d'avoir une énorme responsabilité, celle d'arriver à rendre justice à son travail autant que possible. Mais c'est une tâche gigantesque. S'il y a une chose que j'aurais aimée faire davantage pour ce livre, ce sont des interviews avec toutes les personnes impliquées dans ces albums. On a besoin de plus de précisions concernant la manière dont les albums et les chansons ont été faits. De plus de détails. J'en ai fait autant que j'ai pu compte tenu des circonstances mais il faut en faire bien plus pour préserver l'histoire.

J'ai vu un article que vous avez écrit il y a quelques semaines concernant le Top 10 des chansons de Michael ne figurant pas sur un album et en le lisant, ça m'a rappelé à quel point elles étaient nombreuses. Chacune d'entre elles, quel que soit son stade d'achèvement, est une œuvre d'art musicale absolue. Que pensez-vous de ces chansons ?
La profondeur du catalogue de Michael est très impressionnante. Dans le livre, j'inclus à peu près 5 à 15 chansons supplémentaires par chapitre, qui ont été écrites pendant chaque période respective. Certaines de ces chansons, comme "Streetwalker" ou "Much Too Soon", sont vraiment incroyables et méritent autant d'attention que les chansons qui figurent sur des albums studio.

Quel est votre sentiment concernant la violente réaction initiale des fans à l'album Michael et leur insistance à dire que les voix n'étaient pas authentiques ?
Je peux comprendre les inquiétudes. Sur les titres des Cascio, les voix avaient l'air étranges et les Cascio n'ont pas dit grand-chose sur leur origine et sur le processus d'enregistrement. Je pense que l'Estate et Sony ont essayé de faire tout ce qu'ils pouvaient pour vérifier. Avec un peu de chance, les Cascio seront un jour plus disposés à répondre aux inquiétudes des fans.

Il y a énormément de chansons non commercialisées qui circulent sur Internet : "Blue Gangsta", "If You Don't Love Me", "Slave To The Rhythm", "You Are All I Need", entre autres. Et beaucoup d'autres qui dorment quelque part dans un coffre et n'ont jamais vu la lumière du jour. Pensez-vous que toutes ces œuvres non diffusées devraient sortir sur d'autres albums posthumes dans l'avenir ?
Je crois totalement que ces chansons devraient être commercialisées et qu'elles le seront au fil du temps. Ce serait une honte qu'elles prennent la poussière alors qu'il y a tellement de titres extraordinaires et que tant de gens ont envie de les entendre. D'autre part, simplement d'un point de vue historique, c'est important. J'espère juste que les démos seront diffusées en même temps que les remixes qui seront faits.

Au cours de la vie de Michael, son génie musical a souvent été négligé. Que pensez-vous de l'intérêt renouvelé pour son art et de la nouvelle génération de fans née après son décès ?
Ça a un sens. C'est un rituel culturel de longue date que nous avons, celui de ne vraiment apprécier la grandeur que rétrospectivement. Mais je le répète, c'est agréable de voir de jeunes gens, qui ne le connaissaient pas vraiment jusqu'à sa mort, être confrontés à son travail et l'apprécier.

Michael a écrit quelques-unes des chansons les plus emblématiques de notre histoire et pourtant, beaucoup de critiques - tant amateurs que professionnels - refusent encore de le reconnaître comme compositeur de mérite de la même manière qu'ils le font pour Paul McCartney, Bruce Springsteen, Bob Dylan ou encore Prince. Pourquoi, à votre avis, Michael ne se voit-il pas encore accorder le respect qui lui revient dans ce domaine ?
C'est une très bonne question à laquelle j'essaie de répondre dans le livre. Ça tient à tout un ensemble de partis pris dont la race, le personnage, la popularité, les genres/styles, etc. Par ailleurs, Michael n'écrivait pas les paroles de la même manière que le faisaient des gens comme Dylan ou Springsteen. Ses paroles ne sont pas toujours intrinsèquement poétiques (même si elles peuvent assurément l'être, regardez des chansons comme "Stranger In Moscow" ou "Scared Of The Moon"). Cependant, ses vocalises étaient comme un instrument capable de véhiculer des émotions au-delà des restrictions imposées par le langage. Donc même ses improvisations, ses halètements, ses exclamations et ses cris expriment des émotions très nuancées. Même en chantant un cliché, il parvenait d'une manière ou d'une autre à y injecter de l'authenticité et de la profondeur.

Dans votre interview avec The Michael Jackson Tribute Portrait, vous avez dit "Michael croyait que la meilleure manière dont les gens pouvaient le comprendre, c'était à travers son art. J'ai découvert que c'était le cas. Tout ce qui est essentiel ressort de son travail". Si cette déclaration est exacte - et je pense qu'elle l'est - pourquoi, à votre avis, Michael était-il et reste-t-il encore si incompris par le grand public ? En tant que société, sommes-nous simplement trop blasés ou cyniques pour le voir tel qu'il était vraiment ?
Je crois que les gens n'accordent pas encore suffisamment d'attention à sa musique. La seule chose à laquelle ils pensent, c'est Thriller et même avec ça, ils ont tendance à en discuter de manière très superficielle. Comprendre vraiment quelque chose ou quelqu'un nécessite une ouverture et de l'attention. Et pour beaucoup de gens, c'est tout simplement plus facile de voir Michael Jackson comme une caricature.

Je dois hélas admettre que je suis d'accord avec vous. Pensez-vous qu'au fil du temps, nous verrons enfin Michael être célébré comme l'homme de spectacle ultime qu'il était ?
Michael restera. Sa place dans l'histoire est garantie. Hampton Stevens, de The Atlantic, affirme avec conviction que c'est l'artiste le plus influent du 20e siècle. Sera-t-il un jour universellement apprécié ? Je n'en suis pas sûr. Souvent, les grands artistes suscitent des avis opposés. Mais nous avons vu son énorme influence mondiale quand il est mort... les réactions étaient sans précédent.

Le 22 avril, nous avons fêté la Journée de la Terre. Vous avez dit récemment que selon vous, "Earth Song" de Michael était l'hymne le plus significatif de notre époque. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le sujet ?
Mmmh... je vais en rester là pour l'instant étant donné que je publie un article là-dessus cet été. Restez à l'écoute !

Pas de problème ! Pour finir, les actions humanitaires de Michael au cours de sa vie ont été largement ignorées. Aujourd'hui, on dirait que les gens regardent en arrière et qu'il commence enfin à être reconnu comme le grand philanthrope qu'il était. Que pensez-vous de l'héritage humanitaire de Michael ?
Je pense qu'il est profond. Il a emmené l'activisme à un tout autre niveau. C'était tissé dans la structure même de sa musique. Il ne voulait pas simplement vendre des disques et être célèbre ; il voulait changer les consciences des gens. De ce point de vue, il était comme John Lennon ; Michael a repris le flambeau et a développé le rôle. A de nombreux égards, il est devenu le porte-parole de ceux qui ne s'exprimaient pas, que ce soient les victimes du SIDA, d'abus, de la guerre, de la pauvreté ou de l'injustice".

L'ouvrage de Joe Vogel (320 pages), "Man in the Music : The Creative Life and Work of Michael Jackson", est disponible en pré-commande sur Amazon.

Source : MJFC / Traduction française : ElusiveShadow.com
En novembre prochain paraîtra un livre consacré à l'œuvre de Michael Jackson, écrit par Joe Vogel sous le titre "Man In The Music : The Creative Life and Work of Michael Jackson". L'auteur a été interviewé par le fan-club "MJFC". Voici une traduction de cet entretien.

MJFC : Depuis combien de temps êtes-vous écrivain professionnel ?
Joe Vogel : Je suis écrivain professionnel depuis cinq ou six ans maintenant.

J'ai vu qu'on vous décrivait comme un critique musical et un critique de la culture pop. Comment vous décririez-vous ?
Je me décrirais comme un interprète de l'art sous toutes ses formes. Je rédige des critiques musicales et des articles pour le Huffington Post et maintenant pour PopMatters. Sur le plan académique, ma formation initiale porte sur la critique littéraire mais il y a tellement de travail interdisciplinaire à l'heure actuelle que j'ai enseigné et écrit au sujet de la musique, du cinéma, de l'histoire, de la psychologie, de la philosophie, de la politique, etc.

Avec tous les livres qui ont été écrits sur Michael, qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire celui-là ?
Ça n'avait pas été écrit. J'ai toujours été très fasciné par Michael mais il y avait très peu de matière disponible à lire, en particulier en ce qui concerne son processus créatif et le sens de son travail.

Qu'espérez-vous accomplir avec ce livre ?
J'ai l'impression que Michael n'a pas vraiment reçu le respect qu'il méritait auprès des critiques et des journalistes. Quand on parcourt les évaluations de son travail, il y a beaucoup de condescendance et de partis pris. Je veux engager une réévaluation critique majeure de son travail, en particulier son œuvre post-années 80, qui est incroyable et mérite bien plus d'attention. De plus, je veux que l'acheteur de livres moyen soit en mesure de se rendre dans sa librairie de quartier et d'avoir une alternative à tous les livres racoleurs et sensationnalistes.

Je suis d'accord, on dirait que tout le monde est plus ou moins resté bloqué sur Thriller et Bad mais certaines des meilleures oeuvres que Michael a faites sont venues plus tard avec Dangerous, HIStory et Invincible. Même les cinq chansons originales sur Blood On The Dancefloor sont incroyables. De votre point de vue, lequel de ces albums ultérieurs mérite le plus qu'on se penche dessus ?
Ils sont tous très bons... Michael n'a pas fait d'albums médiocres. Mais pour moi, Dangerous et HIStory sont deux des albums les plus forts de la décennie. J'aimerais que davantage d'auditeurs connaissent ce qu'ils ont à offrir. J'ai lu un article dans lequel le critique musical Robert Hilburn parlait à Michael en 1995 et évoquait la manière dont son travail avait décliné aux dires de bon nombre de critiques et de personnes haut placées dans le milieu. Ça a dû être très frustrant pour Michael parce qu'il était là, vraiment à son point culminant sur le plan créatif, faisant certaines de ses œuvres les plus impressionnantes et comportant le plus de défis... mais les critiques ne comprenaient pas. Ou n'arrivaient pas à aller au-delà de ses "excentricités". Ou espéraient un remake de Thriller, commercialement et sur le plan stylistique. Ça faisait profondément souffrir Michael... mais il croyait qu'au final, la musique tiendrait bon... et ce sera le cas. Des chansons comme "Who Is It", "Stranger In Moscow", "They Don't Care About Us" et "Give In To Me" font partie des meilleures de tout son catalogue.

Ce n'est pas souvent que l'on voit une étude positive sur l'art de Michael donc, comme vous l'imaginez, les fans sont très enthousiasmés par ce livre. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'explorer le processus créatif de Michael ?
C'est excitant de vraiment s'immerger dans le grand art et d'explorer ce qui se passe, ce que l'on véhicule... C'est excitant d'entrer dans les coulisses et de voir comment opère un grand artiste. C'est ce qui rendait "This Is It" si fascinant. Je crois que parfois, regarder derrière le rideau peut ruiner la magie mais avec Michael, ça ne m'a pas donné ce sentiment. Plus j'en apprenais sur sa façon de travailler, plus j'étais impressionné.

Avez-vous l'impression que c'est un livre pour les fans ou est-ce que le grand public l'appréciera également ?
J'espère que ce sera un cadeau pour les fans et une manière d'ouvrir les yeux à un public plus large. Ça me rend très heureux de voir à quel point les fans s'enthousiasment pour le livre. Ils méritent de voir Michael représenté de cette manière. Mais j'aimerais que les gens qui ne connaissent pas grand-chose sur lui ou qui le connaissent seulement comme un phénomène ou à travers les tabloïds voient ce qui a fait de lui un artiste si brillant.

J'ai remarqué que dans les cours que vous donniez ce semestre à l'université de Rochester, vous utilisiez souvent Michael comme un support éducatif. Selon vous, que devons-nous tous apprendre de lui ?
Il y a beaucoup à explorer et à apprendre. C'est l'une des raisons pour lesquelles Michael tiendra le coup au fil du temps et c'est ce qui le place à un niveau complètement différent des autres prétendants au trône. La plupart des musiciens pop n'ont qu'une seule dimension. L'œuvre de Michael est pluri-dimensionnelle. Elle est éclectique, nuancée, innovante et évocatrice. Plus on se penche dessus, plus on en retire des choses.

Vous avez commencé à écrire "Man In The Music" en 2005. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a poussé à l'écrire ?
C'était pendant son procès. Je me souviens que je regardais la couverture médiatique et que j'étais complètement dégoûté. Même s'il a été acquitté, il a été massacré par les médias. J'avais fait suffisamment de recherches sur l'affaire pour savoir que les accusations étaient fausses. Je savais qu'il y aurait probablement quantité de livres qui évoqueraient le procès ; ce dont je voulais parler, c'était de son travail créatif. C'était devenu une telle caricature pour tant de gens que je voulais ramener l'attention sur sa musique et ses qualités humaines. Donc cette année là, j'ai commencé à faire mes recherches et à écrire.

En faisant vos recherches pour le livre, avez-vous rencontré des surprises concernant le processus créatif de Michael ou peut-être quelque chose que vous ne preniez pas pour acquis avant ?
J'ai été surpris de découvrir à quel point il était patient et posé. Imaginez des chansons comme "In The Back", "Blue Gangsta" et "We've Had Enough". Ce sont des chansons sur lesquelles il a vraiment travaillé dur. Mais c'était un tel perfectionniste que si une chanson n'était pas prête ou ne convenait pas à un album, il ne la mettait pas dessus. Et dans bon nombre de cas, cette patience a payé. "Earth Song", par exemple, n'a pas été retenue sur Dangerous. Elle était déjà incroyable mais il l'a encore améliorée pour HIStory.

Pour ce livre, vous avez interviewé beaucoup de gens qui ont travaillé en studio avec Michael. Pouvez-vous nous donner un petit aperçu et nous révéler quelques-unes des personnes avec qui vous avez discuté en faisant vos recherches pour le livre ?
J'ai parlé avec des gens comme Bruce Swedien, Matt Forger, Bill Bottrell et Brad Buxer, entre autres.

Dans une interview récente avec The Michael Jackson Tribute Portrait, vous avez mentionné que vous auriez pu facilement écrire des livres entiers sur chacun des albums de Michael. Y a-t-il des chances que l'on voie une telle série de livres à l'avenir ?
J'adorerais mais ça nécessiterait une quantité énorme de temps et de ressources. Ce que j'ai fait pour "Man In The Music" est juste le sommet de l'iceberg, par rapport à ce qui pourrait être fait. J'ai fini par couper des centaines de pages. S'il n'y avait pas d'échéance, j'aurais pu encore y travailler pendant des années, à tout parfaire, à relire, à faire des ajouts. Après sa mort en particulier, j'ai eu l'impression d'avoir une énorme responsabilité, celle d'arriver à rendre justice à son travail autant que possible. Mais c'est une tâche gigantesque. S'il y a une chose que j'aurais aimée faire davantage pour ce livre, ce sont des interviews avec toutes les personnes impliquées dans ces albums. On a besoin de plus de précisions concernant la manière dont les albums et les chansons ont été faits. De plus de détails. J'en ai fait autant que j'ai pu compte tenu des circonstances mais il faut en faire bien plus pour préserver l'histoire.

J'ai vu un article que vous avez écrit il y a quelques semaines concernant le Top 10 des chansons de Michael ne figurant pas sur un album et en le lisant, ça m'a rappelé à quel point elles étaient nombreuses. Chacune d'entre elles, quel que soit son stade d'achèvement, est une œuvre d'art musicale absolue. Que pensez-vous de ces chansons ?
La profondeur du catalogue de Michael est très impressionnante. Dans le livre, j'inclus à peu près 5 à 15 chansons supplémentaires par chapitre, qui ont été écrites pendant chaque période respective. Certaines de ces chansons, comme "Streetwalker" ou "Much Too Soon", sont vraiment incroyables et méritent autant d'attention que les chansons qui figurent sur des albums studio.

Quel est votre sentiment concernant la violente réaction initiale des fans à l'album Michael et leur insistance à dire que les voix n'étaient pas authentiques ?
Je peux comprendre les inquiétudes. Sur les titres des Cascio, les voix avaient l'air étranges et les Cascio n'ont pas dit grand-chose sur leur origine et sur le processus d'enregistrement. Je pense que l'Estate et Sony ont essayé de faire tout ce qu'ils pouvaient pour vérifier. Avec un peu de chance, les Cascio seront un jour plus disposés à répondre aux inquiétudes des fans.

Il y a énormément de chansons non commercialisées qui circulent sur Internet : "Blue Gangsta", "If You Don't Love Me", "Slave To The Rhythm", "You Are All I Need", entre autres. Et beaucoup d'autres qui dorment quelque part dans un coffre et n'ont jamais vu la lumière du jour. Pensez-vous que toutes ces œuvres non diffusées devraient sortir sur d'autres albums posthumes dans l'avenir ?
Je crois totalement que ces chansons devraient être commercialisées et qu'elles le seront au fil du temps. Ce serait une honte qu'elles prennent la poussière alors qu'il y a tellement de titres extraordinaires et que tant de gens ont envie de les entendre. D'autre part, simplement d'un point de vue historique, c'est important. J'espère juste que les démos seront diffusées en même temps que les remixes qui seront faits.

Au cours de la vie de Michael, son génie musical a souvent été négligé. Que pensez-vous de l'intérêt renouvelé pour son art et de la nouvelle génération de fans née après son décès ?
Ça a un sens. C'est un rituel culturel de longue date que nous avons, celui de ne vraiment apprécier la grandeur que rétrospectivement. Mais je le répète, c'est agréable de voir de jeunes gens, qui ne le connaissaient pas vraiment jusqu'à sa mort, être confrontés à son travail et l'apprécier.

Michael a écrit quelques-unes des chansons les plus emblématiques de notre histoire et pourtant, beaucoup de critiques - tant amateurs que professionnels - refusent encore de le reconnaître comme compositeur de mérite de la même manière qu'ils le font pour Paul McCartney, Bruce Springsteen, Bob Dylan ou encore Prince. Pourquoi, à votre avis, Michael ne se voit-il pas encore accorder le respect qui lui revient dans ce domaine ?
C'est une très bonne question à laquelle j'essaie de répondre dans le livre. Ça tient à tout un ensemble de partis pris dont la race, le personnage, la popularité, les genres/styles, etc. Par ailleurs, Michael n'écrivait pas les paroles de la même manière que le faisaient des gens comme Dylan ou Springsteen. Ses paroles ne sont pas toujours intrinsèquement poétiques (même si elles peuvent assurément l'être, regardez des chansons comme "Stranger In Moscow" ou "Scared Of The Moon"). Cependant, ses vocalises étaient comme un instrument capable de véhiculer des émotions au-delà des restrictions imposées par le langage. Donc même ses improvisations, ses halètements, ses exclamations et ses cris expriment des émotions très nuancées. Même en chantant un cliché, il parvenait d'une manière ou d'une autre à y injecter de l'authenticité et de la profondeur.

Dans votre interview avec The Michael Jackson Tribute Portrait, vous avez dit "Michael croyait que la meilleure manière dont les gens pouvaient le comprendre, c'était à travers son art. J'ai découvert que c'était le cas. Tout ce qui est essentiel ressort de son travail". Si cette déclaration est exacte - et je pense qu'elle l'est - pourquoi, à votre avis, Michael était-il et reste-t-il encore si incompris par le grand public ? En tant que société, sommes-nous simplement trop blasés ou cyniques pour le voir tel qu'il était vraiment ?
Je crois que les gens n'accordent pas encore suffisamment d'attention à sa musique. La seule chose à laquelle ils pensent, c'est Thriller et même avec ça, ils ont tendance à en discuter de manière très superficielle. Comprendre vraiment quelque chose ou quelqu'un nécessite une ouverture et de l'attention. Et pour beaucoup de gens, c'est tout simplement plus facile de voir Michael Jackson comme une caricature.

Je dois hélas admettre que je suis d'accord avec vous. Pensez-vous qu'au fil du temps, nous verrons enfin Michael être célébré comme l'homme de spectacle ultime qu'il était ?
Michael restera. Sa place dans l'histoire est garantie. Hampton Stevens, de The Atlantic, affirme avec conviction que c'est l'artiste le plus influent du 20e siècle. Sera-t-il un jour universellement apprécié ? Je n'en suis pas sûr. Souvent, les grands artistes suscitent des avis opposés. Mais nous avons vu son énorme influence mondiale quand il est mort... les réactions étaient sans précédent.

Le 22 avril, nous avons fêté la Journée de la Terre. Vous avez dit récemment que selon vous, "Earth Song" de Michael était l'hymne le plus significatif de notre époque. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le sujet ?
Mmmh... je vais en rester là pour l'instant étant donné que je publie un article là-dessus cet été. Restez à l'écoute !

Pas de problème ! Pour finir, les actions humanitaires de Michael au cours de sa vie ont été largement ignorées. Aujourd'hui, on dirait que les gens regardent en arrière et qu'il commence enfin à être reconnu comme le grand philanthrope qu'il était. Que pensez-vous de l'héritage humanitaire de Michael ?
Je pense qu'il est profond. Il a emmené l'activisme à un tout autre niveau. C'était tissé dans la structure même de sa musique. Il ne voulait pas simplement vendre des disques et être célèbre ; il voulait changer les consciences des gens. De ce point de vue, il était comme John Lennon ; Michael a repris le flambeau et a développé le rôle. A de nombreux égards, il est devenu le porte-parole de ceux qui ne s'exprimaient pas, que ce soient les victimes du SIDA, d'abus, de la guerre, de la pauvreté ou de l'injustice".

L'ouvrage de Joe Vogel (320 pages) Man in the Music : The Creative Life and Work of Michael Jackson" est disponible en pré-commande sur Amazon.

Source : MJFC / Traduction française : ElusiveShadow.com